La séance de modèle vivant du vendredi


Anaïs, pose de 2h30 environ, oil on paper

Comme chaque vendredi, les élèves de l'atelier de modèle vivant s'installent derrière leurs chevalets en demi-cercle autour du modèle. (Il n'est pas rare d'entendre quelques grognements les fois où il est annoncé qu'il s'agit d'un homme ... fort heureusement avant son arrivée).
Suivant les indications du professeur, le modèle prend la pose sur une estrade. Ainsi perché, il est bien visible de tous, notamment pour les élèves les plus éloignés. Les points de vue sont variés (éclairage, raccourcis) et comme certains sont plus intéressants que d'autres, un tirage au sort a dû être institué en début de séance pour rendre l'attribution des places aléatoires.

Top départ ! Ca y est, c'est parti, le modèle ne bouge plus, le compte à rebours est lancé et la concentration envahie progressivement la salle. Pour l'élève, le temps file à toute allure ! Il commence par prendre certaines décisions : portrait, torse ou figure entière ? Centre d'intérêt ? Composition ? ... avant d'affronter les innombrables problématiques techniques relatives à la représentation.
Pour le modèle au contraire, le temps passe très lentement. Heureusement, une pause rapide est de rigueur toutes les 25 minutes, lui permettant de s'étirer et de masser des articulations douloureuses. Avant celle-ci, le prof a pris soin de coller des morceaux de scotch à des endroits stratégiques pour aider à retrouver une pose identique. Les élèves profitent des quelques minutes de break pour prendre du recul par rapport à leurs travaux et jeter un œil critique ou admiratif à ceux des voisins. Puis ils retournent à leurs postes et c'est reparti pour une autre séquence d'un peu moins d'une demi-heure. Une pause café d'un quart d'heure coupe la séance en deux, durant laquelle on parle d'art, d'expos, de cinéma, de femmes, etc. Enfin chacun s’acquitte de sa part de la masse (rétribution du modèle) avant de retrouver son chevalet et se hâter de terminer son travail avant que sonne la fin de la séance.

Le mot du jour : blaireauter
Lorsqu'on aura couvert la toile des couleurs qui doivent y être posées et que les tons principaux seront bien placés les uns à côté des autres, de façon qu'ils dégradent insensiblement, on devra se servir d'un assez large pinceaux doux, en petit-gris ou bien en blaireau, dont les poils soient écartés au lieu de faire la pointe, on le passera très légèrement, sec et sans couleur, sur son ouvrage, et cela dans le même sens des objets qui auront été préparés, afin de fondre les tons les uns dans les autres, de les marier ensemble et de faire disparaitre le trait des objets tournants, car la Nature n'en a pas.
Lorsque le tout est fondu, on se réserve de donner des touches fermes, soit de clairs, soit d'ombres, dans toutes les parties qui doivent saillir ou s'enfoncer. On ne doit cependant appliquer ces touches de fermeté qu'après avoir redonné leur forme aux objets qui auraient pu être oubliés, ou qu'on aurait changés de place en fondant avec le pinceau doux; ce qui arrive ordinairement aux personnes qui n'ont pas l'habitude de s'en servir.
Il faut autant qu'il est possible finir par les clairs, de façon à n'avoir plus à y retoucher. On peut en général laisser les ombres un peu claires, car il est facile, lorsqu'elles sont sèches, de les rendre plus vigoureuses en les glaçant

Ernest Hareux

Couchez vos couleurs hardiment, franchement, également, et sans les tourmenter; évitez de les passer l'une dans l'autre avec la brosse, car ce n'est point par ce moyen qu'il faut fondre et amalgamer les différents tons de couleurs : c'est en posant avec discernement une filiation de teintes presque insensible les unes à côté des autres, que vous devez obtenir leur liaison, et vous ne devez vous occuper à fondre toutes ces graduations que lorsque tous vos tons sont en place, et qu'à une certaine distance votre tête tourne déjà par le seul moyen de la composition graduelle des teintes. Sans cela vous n'obtiendrez jamais aucune pureté de ton; vous ne feriez que des peintures sales et monotones, qui deviendraient toujours plus avilies avec le temps.

Je n'ignore pas que cela paraitra, dans l'exécution, d'une grande difficulté aux commençants; et ce l'est en effet, même pour les peintres qui ont déjà de l'expérience; cependant il n'y a que ce moyen pour peindre des chairs pures et fraiches : il faut en quelque sorte choisir ses tons, et les poser les uns à côté des autres comme si on travaillait à une mosaïque. Quand on est parvenu à ce point, alors, avec une brosse propre ou quelque fois garnie d'un peu de couleur (pourvu que le ton soit juste), en quelques moments l'on fond son ouvrage d'une manière admirable, en ne faisant qu'effleurer et caresser la couleur pour amalgamer ensemble toutes ces teintes, et en tournant la brosse dans le sens naturel de la peau et des formes, mais sans appuyer, ni trainer toutes les nuances les unes dans les autres avec un blaireau, comme le font tant d'artistes médiocres.

L'usage immodéré du blaireau est un défaut qu'on reproche avec raison à presque tous les amateurs; ils trouvent apparemment cette manière de fondre beaucoup plus facile que celle dont je viens de parler, qui consiste à graduer les teintes par leur ton propre et local, plutôt que de trainer l'une dans l'autre : je viens d'énoncer les inconvénients majeurs qui en résultent. L'on parvient en effet à une fonte assez douce; mais c'est toujours aux dépens de la pureté et de la vérité du coloris, et, de plus, au grand détriment du relief et de l'effet général.
M. P. -L. Bouvier

Le modèle vivant en 8 conseils
La peinture à l'huile point par point : conseils modèle vivant, le centre d'intérêt, les détails, l'inspiration, progresser en dessin, la couleur, la copie, la facture, l'aspect, l'enveloppe, blaireauter, progresser, l'étude